Lutte contre la suprématie blanche Note d’information du CIJA

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CIJA
|November 09, 2020
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Selon les statistiques les plus récentes de Statistique Canada, les Juifs sont, année après année, le groupe le plus ciblé par les crimes haineux au Canada. Bien qu’ils représentent 1 % de la population canadienne, ils ont été victimes de près de 20 % des crimes haineux déclarés au pays en 2018 (dernière année pour laquelle les statistiques sont disponibles).

L’antisémitisme connaît une recrudescence partout dans le monde et le Canada n’est pas à l’abri de sa propagation quasi virale.

En 2019, le ministre français de l’Intérieur, Christophe Castaner, a signalé une augmentation de 74 % des faits à caractère antisémite en France, dont 81 concernant des actes de violence, des tentatives d’homicide et un homicide. De plus, 824 institutions juives sont sous protection policière et militaire, et 70% des Juifs français disent avoir été victimes d’antisémitisme à un moment ou à un autre. En janvier 2020, le président français Emmanuel Macron a fait cette mise en garde: « L’antisémitisme resurgit, violent, brutal. [Il] n’est pas seulement le problème des Juifs, c’est d’abord le problème des autres. »

De même, en 2019, un nombre record d’incidents antisémites ont été signalés au Community Security Trust (CST) du Royaume-Uni pour une quatrième année consécutive. De janvier à juin 2020, le CST a recensé 789 incidents antisémites (dont 47 agressions) au Royaume-Uni – le troisième total le plus élevé enregistré au cours des six premiers mois d’une année. En termes purement statistiques, il s’agit d’une diminution de 13 % des 911 incidents signalés au CST lors des six premiers mois de 2019, mais il reste que ce nombre demeure le total le plus élevé jamais enregistré par l’organisme pendant la période de janvier à juin. Il convient cependant de noter que ces dernières années, l’antisémitisme a infiltré l’appareil politique, et que cette tendance s’est poursuivie au cours des six premiers mois de 2020.

En octobre 2020 en Allemagne, le chef de l’organisme responsable de la sécurité nationale a déclaré que de plus en plus de Juifs allemands sont victimes d’antisémitisme. En 2019, les autorités ont également enregistré 2,032 crimes à caractère antisémite – une augmentation de 13 % par rapport à 2018 et le nombre le plus élevé recensé depuis que des statistiques ont commencé à être recueillies. L’antisémitisme est de plus en plus violent en Allemagne, les Juifs étant la cible d’agressions et d’attaques violentes dans les rues.

En 2019 aux États-Unis, l’Anti-Defamation League (ADL) a signalé plus de 2 100 incidents antisémites au pays, un bond de 12 % et le nombre le plus élevé jamais enregistré depuis que les incidents antisémites ont commencé à être recensés il y a quatre décennies.

L’antisémitisme est présent dans tous les groupes politiques extrémistes, de l’extrême droite à l’extrême gauche, notamment dans les cercles islamistes radicaux. Bien que la présente note porte sur le phénomène de la suprématie blanche issu de l’extrême droite, une attention égale devrait être accordée à l’antisémitisme dans toutes ses manifestations idéologiques. Il ne s’agit pas d’un choix, même si l’antisémitisme se manifeste différemment dans les différents segments de la société. Celui-ci doit être combattu, peu importe ses fondements idéologiques, car ses objectifs demeurent les mêmes au bout du compte.

Voici huit recommandations qui auraient un effet décisif si elles étaient mises en œuvre dans le cadre de la lutte essentielle contre le fléau de la suprématie blanche.

1. Haine en ligne

La haine en ligne et les théories du complot alimentent la violence dans le monde réel, comme en témoignent les tueries survenues dans des synagogues à Pittsburgh et San Diego, chez un rabbin à Monsey, dans une épicerie cacher de Jersey City, dans des mosquées à Québec et Christchurch et lors d’une attaque au camion-bélier ciblant des femmes à Toronto.

Le gouvernement du Canada devrait établir une stratégie nationale de lutte contre la haine et la radicalisation en ligne en s’appuyant sur le rapport de 2019 du Comité de la justice de la Chambre des communes. Il devrait en outre collaborer avec les communautés touchées et les entreprises de médias sociaux du secteur privé pour veiller à l’adoption d’une approche efficace afin d’empêcher l’exploitation de ces plateformes aux fins de propagation de la haine. Une attention toute particulière devrait être accordée à l’antisémitisme en ligne en s’appuyant sur la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), conformément à la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme 2019–2022.

En outre, pour combler le vide juridique entourant les discours haineux et pour protéger les Canadiens, un recours civil fondé sur les lois sur les droits de la personne devrait être rétabli avec des dispositions fermes visant à protéger la liberté d’expression légitime et à empêcher les recours vexatoires.

2. Application plus vigoureuse des dispositions actuelles du Code criminel relatives au terrorisme

En 2019, en vertu de l’article 83.05 du Code criminel, la Sécurité publique du Canada a ajouté deux groupes suprématistes blancs, Blood & Honour et Combat 18, à la liste des entités terroristes inscrites.

Le CIJA a salué ce développement encourageant. Cet article du Code criminel devrait être mis plus fermement en application contre les groupes suprématistes blancs, s’il y a lieu.

Même s’il est évidemment important de concilier les impératifs du respect de la loi et les droits et libertés de chaque Canadien, cela n’empêche ou ne contredit pas la nécessité d’utiliser tous les outils juridiques mis à notre disposition pour combattre l’extrémisme d’extrême droite. Après tout, comme l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés l’indique, « chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ».

3. Application plus vigoureuse des dispositions actuelles du Code criminel relatives au discours haineux

Il y a lieu d’envisager sérieusement d’appliquer plus uniformément les dispositions décrites aux articles 318 et 319 du Code criminel afin de mieux lutter contre la haine. Le gouvernement du Canada devrait offrir de la formation et des lignes directrices pour aider les procureurs généraux, les procureurs et les forces de l’ordre des provinces à appliquer plus efficacement les dispositions du Code criminel relatives au discours haineux. La définition pratique de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) devrait être utilisée comme outil lors de ces initiatives de formation, à la suite de son adoption par le gouvernement fédéral dans le cadre de la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme.

4. Article 70 du Code criminel : décret visant à interdire les groupes de milice

L’article 70 du Code criminel, que l’on trouve dans la partie II (Infractions contre l’ordre public – Attroupements illégaux et émeutes), donne au gouvernement fédéral l’autorité d’interdire les réunions et les entraînements de milices. S’il y a lieu, le gouvernement devrait faire plus souvent appel à cet article. La présence de groupes d’extrême droite s’intensifie au pays. Le gouvernement devrait recourir plus systématiquement à l’article 70 pour endiguer ce fléau avant que celui-ci s’enracine davantage. Les milices n’ont pas leur place au Canada.

5. Nouvelles dispositions du Code criminel relatives à l’inscription sur la liste

Il existe des groupes qui ne cadrent pas avec la définition de groupe terroriste ou de milice, mais dont les activités sont toxiques et dont les points de vue représentent un danger et une menace pour les Canadiens. Ces groupes sont actifs, répandent leur venin infect et menacent de saper les valeurs fondamentales de notre société.

Le gouvernement devrait envisager d’établir de nouvelles dispositions dans le Code criminel permettant l’identification, l’inscription sur la liste et l’interdiction des groupes néonazis et d’autres groupes qui font volontairement la promotion d’idéologies haineuses et violentes.

6. Rendre la négation et de la distorsion de l’Holocauste illégales au Canada

La négation et la distorsion de l’Holocauste sont des caractéristiques communes de l’antisémitisme dans les groupes politiques extrémistes. Elles font aussi partie des principaux outils de propagande utilisée par les néo-Nazis et les suprématistes blancs, qui font volontairement la promotion de la haine contre les Juifs.

Elles devraient être interdites au Canada, tout comme l’ont fait nos alliés aux vues similaires en Europe et ailleurs.

Lors de la séance d’ouverture de la conférence virtuelle sur l’antisémitisme en ligne du département d’État des États-Unis tenue le 21 octobre 2020, la coordonnatrice de la lutte contre l’antisémitisme et de la promotion de la vie juive à la Commission européenne, Katharine Von Schnurbein, a souligné que la négation et la distorsion de l’Holocauste sont illégales en Europe.

« Nous sommes évidemment conscients que la loi sur le discours haineux diffère entre les États-Unis et l’Union européenne. Les discours qui incitent à la haine ou à la violence sont illégaux dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Cela comprend la négation et la distorsion de l’Holocauste. » (à environ 23:45). Pour en savoir plus sur la position de l’UE, veuillez cliquer ici.

Qui plus est, 16 pays membres de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) ont instauré une loi en vertu de laquelle la négation de l’Holocauste constitue une infraction criminelle ou civile. Quatre autres pays ont mis en place des dispositions sur le discours haineux relativement à cette question, et des lois sur la négation de l’Holocauste ont été établies dans un pays de liaison et deux pays observateurs de l’IHRA. Les 21 pays membres de l’UE ont transposé la décision-cadre dans une loi portant précisément sur la négation de l’Holocauste. Outre les pays membres de l’IHRA et de l’UE, l’Andorre, le Liechtenstein, le Monténégro et la Russie ont des lois similaires.

Les démocraties sœurs en Europe – qui accordent, tout comme le Canada, une grande importance à la liberté d’expression – ont criminalisé la négation et la distorsion de l’Holocauste. Les géants des médias sociaux Facebook et Twitter ont quant à eux interdit les publications sur ces sujets. Compte tenu du rôle de la négation de l’Holocauste dans l’incitation à l’antisémitisme, l’absence d’une loi promulguant l’illégalité de cette propagande haineuse au Canada est inadmissible. Il est en effet pleinement justifié qu’une telle mesure juridique soit mise en place en 2020.

7. Établir un programme de remboursement des coûts de sécurité pour les établissements communautaires

Le gouvernement fédéral devrait établir un programme de remboursement des coûts de sécurité pour les lieux de culte, les établissements d’enseignement et les centres communautaires. Les établissements qui paient du personnel de sécurité (gardes provenant d’entreprises autorisées ou policiers en service) pourraient joindre leurs reçus à leur déclaration de revenus fédérale et obtenir un remboursement partiel des coûts. Ce programme viendrait compléter le financement des améliorations des infrastructures de sécurité disponibles dans certaines provinces afin que les communautés ciblées puissent se sentir en sécurité dans leurs lieux de rassemblement.

8. Outiller adéquatement les policiers pour lutter contre les crimes haineux et soutenir les communautés ciblées

En plus de soutenir directement les institutions vulnérables, les unités de police spécialisées dans les crimes haineux se sont révélées précieuses pour protéger les communautés ciblées et engager les groupes à risque. Les unités spécialisées dans les crimes haineux veillent à ce que les agents disposant de connaissances, d’expérience, de ressources et d’outils spécialisés soient équipés pour faire face à de tels cas. Des unités essentielles mènent des programmes de formation et gèrent le déploiement de la police dans les lieux et les événements vulnérables. Les unités de liaison communautaire jouent également un rôle indispensable en tant qu’intermédiaires entre la police et les communautés à risque, en dispensant des formations et en renforçant la confiance, la compréhension et la réactivité aux besoins locaux. De nombreux services de police locaux ne disposent pas de ressources adéquates dans ces domaines clés qui sont essentiels à la protection et à l’autonomisation des communautés vulnérables. Le gouvernement du Canada devrait octroyer des fonds supplémentaires pour soutenir les unités de police spécialisées dans les crimes haineux et les unités de liaison communautaire existantes. Là où de telles unités n’existent pas, les fonds devraient servir à en mettre sur pied.

Conclusion

Même si la suprématie blanche et le néonazisme ne sont pas les seules sources d’antisémitisme, ils sont très préoccupants pour les Juifs canadiens, notamment parce que les groupes qui épousent ces idéologies transforment la haine rhétorique en violence active.

Nous demandons à nos dirigeants de mettre en place une stratégie vigoureuse et globale pour lutter contre ce fléau et pour être prêts à jouer un rôle dans l’atteinte de cet objectif important.

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